DÉCRYPTAGE: Les enjeux de la prochaine présidence française du Conseil de l’Union européenne

DÉCRYPTAGE


Les enjeux de la prochaine présidence française du Conseil de l’Union européenne

Au cours de son histoire européenne, la France a présidé treize fois le Conseil de l’Union. Lors de sa dernière présidence en 2008, elle avait mis l’accent sur les questions d’énergie et de climat, de migration, d’agriculture, de sécurité et de défense. Elle ouvrira, le 1er janvier 2022 et pour une période de six mois, un nouveau trio de présidences avec la République tchèque et la Suède. Quelles priorités aura-t-elle à cœur de défendre ?

Le  Quai d’Orsay travaille à la définition des objectifs du Gouvernement

Alors que l’Europe est toujours prise dans la tourmente de la crise sanitaire et que la France s’est particulièrement investie dans les négociations relatives au plan de relance européen, la diplomatie française travaille d’ores et déjà à la définition de ses priorités pour 2022.

A l’occasion du Conseil des ministres du 4 novembre dernier, Clément Beaune, Secrétaire d’Etat chargé des Affaires européennes, a exposé les grands chantiers sur lesquels la présidence française devra se pencher. Elle aura pour mots d’ordre “la relance, la puissance et l’appartenance.” Ce triptyque a été pensé en réponse aux défis sanitaire, environnemental, démocratique et sécuritaire qui traversent le continent.

La présidence française du Conseil devrait ainsi s’articuler autour de deux axes:

  • le travail législatif en matière de régulation du numérique et d’ambition climatique et sociale;
  • les chantiers relatifs à l’Europe de demain au travers de la Conférence citoyenne sur l’avenir de l’Europe. Elle devrait s’ouvrir début 2021 et permettre de repenser la gouvernance de l’Union européenne qui devra être appréhendée sous l’angle de la solidarité et de la souveraineté. Il reste à voir quelle suite sera donnée à ce vaste travail de réflexion citoyen.

Clément Beaune a également rappelé les caractères tant institutionnel que politique qui sous-tendent cette présidence. Il s’agira de coordonner, avec le Parlement européen et la Commission européenne, les politiques de l’Union en matière, entre autres, de compétitivité, d’emploi, de santé, d’énergie, de transports, de télécommunications, d’environnement et d’éducation. Elle revêtira également un caractère politique de par la capacité de la France à faire avancer les négociations au sein du Conseil européen, réunissant les chefs d’Etat et de Gouvernement des 27. 

Le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères demeure l’instance chargée de définir et d’affiner le programme de la présidence française. Un Secrétariat général de la présidence française du Conseil de l’Union européenne a parallèlement été créé en septembre dernier. Sous l’autorité du Premier ministre, il sera chargé d’assurer la coordination des événements qui seront organisés à l’initiative de la société civile durant la période de la présidence. A sa tête, Xavier Lapeyre de Cabanes, diplomate, ancien Ambassadeur de France en Bulgarie. 

Présidence européenne et élection présidentielle: une double échéance

Il y a fort à parier que cette présidence deviendra un sujet de politique nationale, alors qu’elle aura lieu en même temps que les élections présidentielles. Cela pourrait constituer un avantage pour Emmanuel Macron, à condition que les citoyens français se reconnaissent dans la direction donnée à la présidence du Conseil. Il s’agira alors de mettre en valeur des initiatives françaises telles que le projet de taxe carbone aux frontières ou encore le plan de relance européen défini en réponse à la crise sanitaire dans le cadre duquel devrait être pensée, d’ici à la fin de l’année 2021, la création d’une autorité sanitaire d’intervention d’urgence. De plus, et comme le note le politologue Brice Teinturier dans un article pour Le Monde, “l’action d’Emmanuel Macron en Europe ne devra pas être perçue comme une dispersion.” Il ajoute que “cela peut être bénéfique à Emmanuel Macron s’il parvient à montrer que le levier européen lui permet d’obtenir des résultats tangibles sur la scène intérieure.”

Des objectifs qui restent à atteindre en amont de la présidence

La France s’est fixé l’objectif d’avoir transposé l’ensemble des directives du Parlement, du Conseil et de la Commission avant sa présidence en 2022. C’est dans ce cadre qu’après plusieurs mois de débats, le projet de loi Ddadue portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière a été adopté par l’Assemblée nationale le 6 novembre 2020. Ce texte vise, entre autres, la mise en conformité de directives européennes relatives à l’adaptation du droit de la consommation aux spécificités du numérique, le soutien et la protection de la propriété intellectuelle (la directive SMA et la directive portant sur le droit d’auteur et les droits voisins devant être transposées par ordonnance). Le Conseil supérieur de l’énergie a par ailleurs arrêté la date du 24 novembre pour examiner le projet d’ordonnance transposant la directive concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité.

Un certain nombre de directives demeurent donc toujours en attente de transposition. Elles concernent notamment l’environnement, l’énergie, la mobilité et les transports et – dans une moindre mesure – l’emploi, les affaires sociales et l’égalité des chances, la concurrence, l’industrie et la fiscalité. La liste des mises en demeure formulées à l’encontre de la France est accessible ici. Il reste un peu plus d’un an à la France pour prendre les mesures nécessaires et se conformer autant que faire se peut aux avis émis par la Commission. Il convient tout de même de rappeler qu’en 2018, le pays se classait au premier rang des États membres les plus performants en matière de transposition de directives selon les chiffres communiqués par Bercy. Ce cap doit être maintenu.

Ilyana Skalli (chargée de mission « Focus Europe »)