Tribune de Guillaume Labbez, Président-Fondateur de CommStrat publiée dans L’Opinion le 3 avril 2020.
« La réalité, c’est qu’en plus du courage et de l’expertise des soignants, c’est les entreprises mondialisées, avec leurs technologies, leur recherche qui permettront de vaincre le Covid-19 »
La mondialisation serait morte… Le capitalisme dépassé. Il faudrait rétablir les frontières, changer de mode de production… Arnaud Montebourg, Libération ou Marianne, nombre de commentateurs et de médias vont vite en besogne et utilisent la méthode Coué pour se persuader – et tenter de persuader l’opinion – que « l’âge entrepreneurial » est mort, que la mondialisation des échanges est terminée. Ils prophétisent le retour de l’Etat providence, de l’économie administrée et le rétablissement des frontières. C’est pourtant une erreur d’analyse de proposer de vieilles solutions à une crise nouvelle.
La réalité, c’est que face au choc de la crise actuelle, ce n’est certainement pas l’administration mais plutôt « l’innovation qui sauvera le monde » – pour paraphraser Nicolas Bouzou. La réalité, c’est qu’en plus du courage et de l’expertise des soignants, ce sont les entreprises mondialisées, avec leurs technologies, leur recherche qui permettront de vaincre le Covid-19.
Depuis la chute du mur de Berlin, la mondialisation est une réalité historique, culturelle et technologique à laquelle aucune alternative crédible n’a pu être proposée. Depuis 1960, la globalisation a permis d’enrichir toutes les populations qui se sont ouvertes, si bien que la mortalité infantile a été divisée par 3, l’extrême pauvreté a reculé, passant sous la barre d’un milliard de personnes (706 millions actuellement) pour la première fois depuis que nous sommes plus de 1 milliard, et chaque jour 137 000 personnes sortent de l’extrême pauvreté.
Prospérité. C’est d’ailleurs cette formidable prospérité qui a contraint tous les régimes autoritaires et communistes à adopter des réformes pro-marché à partir du début des années 1980. Aujourd’hui, aucun pays – à part la Corée du Nord qui s’apparente plus à une grande prison qu’à un pays — ne se rêve en autarcie. Les matières premières devront toujours être exportées, les productions nationales trouver des débouchés au-delà de leurs frontières et internet rendra impossible de garder une population totalement enfermée.
Dire aujourd’hui que c’est la fin de la mondialisation n’a pas grand sens. Ceux qui le disent sont soit aveugles, soit antimondialistes depuis toujours. Qu’ils aillent donc expliquer aux dizaines de millions de personnes qui sont sortis de la pauvreté grâce à la mondialisation, et à ceux qui vont se retrouver au chômage ces prochaines semaines, les bienfaits de la décroissance. La fin du capitalisme n’est pas pour demain, car il reste le seul système économique acceptable et capable de nourrir la planète.
En revanche, ce qui est vrai dans les analyses que l’on peut lire, c’est que le monde va changer profondément.
L’opinion mondiale est certainement plus impressionnée actuellement par les entreprises qui font preuve d’une réactivité incroyable pour produire les biens nécessaires à la résolution de la crise, par le courage des soignants et par un esprit de solidarité que la crise révèle, que par des gouvernements et des institutions internationales qui n’ont pas été en mesure d’anticiper la crise, et depuis, gèrent comme ils le peuvent l’urgence. Quand le moment sera venu, il faudra s’interroger sur l’efficacité des politiques de la santé publique mises en œuvre dans les pays « développés », qui n’étaient certainement pas prêts.
« Modèle chinois ». Il faudra également s’interroger sur l’excellence du « modèle chinois » qui a prouvé que sa légendaire efficacité était plus au service du muselage des lanceurs d’alerte ou le maquillage de son nombre de morts du virus que pour veiller à la sécurité sanitaire de ses marchés alimentaires.
L’Europe va renforcer encore sa volonté de souveraineté et les Etats membres vont tenter de se « réindustrialiser » et incitant les entreprises à ramener sur leur sol une partie des activités aujourd’hui produites en Asie.
La crise nous enseigne aussi l’interdépendance entre régions dans le monde : un problème qui est posé à l’Europe touche également l’Afrique, la Turquie, l’Iran, et vice-versa. C’est aussi vrai en matière de sécurité sanitaire, qu’en matière de sécurité et d’immigration.
A notre échelle, cette interdépendance stratégique des régions ouvre la voie à un renforcement du rôle de l’Europe, avec notamment un rôle sanitaire, compétence qui sera désormais considérée comme « régalienne ». Au-delà de l’Union européenne, nous aurons également besoin d’une montée en puissance de périmètres de coopération comme l’Union pour la Méditerranée, à des partenariats régionaux renforcés entre l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient, et du renforcement des ONG internationales.