Tribune de Guillaume Labbez, Président fondateur de CommStrat, publiée sur le site de l’Opinion.
« Emmanuel Macron a été largement réélu, mais avec des messages de l’électorat qu’il doit entendre, s’il veut qu’on se souvienne de ses dix ans de mandat comme un tournant historique, et non comme un moment où la France d’ «archipélisation» de la société, pour reprendre le concept de Jérôme Fourquet.
Avec au premier tour des candidats « anti-système » qui rassemblent 60 % des voix, une hausse de l’abstention et des votes blancs, puis une part substantielle de voix du deuxième tour motivés uniquement par un barrage face à l’extrême-droite, la marge de manœuvre d’Emmanuel Macron peut paraître étroite.
Si la politique menée, notamment depuis 2020, n’a pas été fondamentalement remise en cause par ses concurrents, c’est sur la manière de gouverner qu’Emmanuel Macron est attendu. La promesse d’une «Révolution» et l’espoir de l’entrée dans un nouveau monde, formulée en 2017, a peiné à se concrétiser. Le paysage politique à l’issue de l’élection présidentielle de 2022 est encore plus marqué qu’en 2017, par la montée des extrêmes et la désaffection des citoyens dans le «système».
Il est essentiel de revitaliser les pratiques institutionnelles créatrices de consensus, en associant réellement toutes les forces politiques, mais également la société civile organisée, aux réflexions et aux décisions
Institutions. Une réforme des institutions peut participer à renouer un lien de confiance. Une conférence nationale, promise pendant la campagne, devrait être lancée dans les prochaines semaines, pour formuler des propositions, si possible faisant consensus.
Cette démarche semble aujourd’hui indispensable pour retrouver une autorité de la décision publique qui a été fortement mise à mal par la montée des complotistes de tous bords, qui remettent en cause, non seulement les institutions, mais également les consensus sur lesquels reposent notre démocratie. Si la verticalité du pouvoir, pratiquée pendant la crise sanitaire, a pu faire preuve d’une certaine efficacité à court terme, elle accroît la défiance politique sur le long terme. Une décision est d’autant mieux acceptée par ceux qui y sont soumis, qu’elle a été coconstruite en amont.
Il est donc essentiel de revitaliser les pratiques institutionnelles créatrices de consensus, en associant réellement toutes les forces politiques, mais également la société civile organisée, aux réflexions et aux décisions. Le nouveau rôle du Conseil économique, social et environnemental peut contribuer à ce travail. Il sera également nécessaire d’inventer des modalités d’association des citoyens à la chose publique, pour élargir la culture civique, et lutter contre le repli sur soi et une « archipélisation » galopante de la société française.
Alors que les gGouvernements semblent réagir naturellement par la centralisation de la décision face à la crise, la succession de crises (crises économiques, politiques, sanitaires, sécuritaires…) rend indispensable le renforcement de la démocratie et de la consultation. Après une pandémie et une guerre à nos frontières qui ont durablement perturbé l’économie mondiale, la France ne peut plus se permettre une nouvelle crise sociale, comme celle des Gilets jaunes.
La manière dont la réforme des retraites sera menée sera décisive et donnera le ton de la capacité du gouvernement et des acteurs économiques et sociaux à travailler, en confiance. L’ambiance de ce second quinquennat d’Emmanuel Macron pourrait se jouer dans les prochaines semaines, sur la façon de faire. »