La plus belle loi du monde ne peut donner que ce qu’elle a : des textes juridiques. Une étape nécessaire, mais qui ne règlera pas, à elle seule, la question climatique. Il faut donc rester mesuré sur ce que l’on peut attendre du projet de loi gouvernemental, sous peine d’être déçu à l’arrivée.
Le processus de la Convention citoyenne pour le climat arrive dans une nouvelle phase, avec l’examen par les députés du projet de loi qui doit mettre en œuvre les préconisations relevant du niveau législatif.
Avant même que les débats aient commencé, et que les premiers amendements soient discutés, le texte suscite des critiques. Le reproche qui monte est celui d’un texte insuffisant, trop timide, le tout par la faute des « lobbies ». Un discours qu’il faut relativiser.
Une politique publique ne se résume pas à un momentum
La focalisation sur un moment précis du processus, l’examen à l’Assemblée, pour une série de propositions aussi variées, ne permet pas d’avoir une vision exacte de l’ampleur des réformes. Oui, cette loi sera décevante, car il n’y aura pas toutes les mesures préconisées par la Convention citoyenne dedans. Car il y a eu des choses déjà faites, d’autres qui le seront par la suite.
Le gouvernement n’a pas attendu le dépôt de ce projet de loi, pour commencer à mettre en œuvre des préconisations de la Convention citoyenne. Un certain nombre d’entre elles relèvent d’un simple décret, ou d’augmentations de crédits budgétaires. Lors de la loi de Finances votée à l’automne 2020, de l’argent public a été fléché vers les dépenses en lien avec la transition énergétique et un malus au poids, sur les automobiles, a été voté.
Sans cette Convention citoyenne pour le Climat, jamais un tel malus, qui vise les SUV, n’aurait été adopté. Certes, le seuil est encore haut, et la taxe touchera peu de véhicules, mais l’essentiel était de la créer et ce n’est pas rien d’avoir réussi.
Les propositions les plus impactantes pour le climat ne relèvent pas toujours d’une modification de la loi, mais d’actions de terrain.
Le principal obstacle à la rénovation énergétique des logements, c’est l’argent, pas la loi. Un texte législatif peut certes lever des obstacles et accélérer des travaux, mais les dépenses resteront largement à la charge des propriétaires (publics comme privés), qu’il faut convaincre de le faire. Et vu l’ampleur des travaux, cela va prendre du temps.
Plusieurs mesures importantes demandent, pour être réellement efficaces, d’être prises à un niveau européen, voire mondial. Cela ne peut pas se faire en claquement de doigts, et le fait qu’une Convention citoyenne ait préconisé des mesures précises, en France, ne va pas peser bien lourd.
Une question de société
La crise sanitaire que nous vivons a certainement eu des effets beaucoup plus forts sur la baisse des émissions de gaz à effets de serre que toutes les conventions citoyennes et les lois votées. L’exemple frappant est le coup d’arrêt à l’expansion du transport aérien provoqué par la diminution drastique des déplacements.
Ce changement massif de comportement devrait pourtant à peine suffire à atteindre les objectifs de lutte contre le changement climatique. Nous avons pu l’obtenir du fait d’un choc externe, totalement inattendu, et très violent. Aurions-nous pu l’obtenir sans la contrainte de la pandémie ? Certainement pas !
Cela nous permet de mesurer l’ampleur des efforts, et donc des contraintes, mais aussi des coûts économiques, que représente la lutte contre le changement climatique. Ce n’est pas d’une simple loi, aussi ambitieuse soit-elle, que va surgir le salut, mais de choix de société, où l’ensemble d’une population accepte des sacrifices et des modifications substantielles (et pas seulement des « petits gestes ») de son mode de vie.
Cette loi « Climat et Résilience » ne mérite donc ni excès d’honneur, ni surtout, excès d’indignité. C’est une simple pièce d’un puzzle beaucoup plus large. À elle seule, elle ne peut pas résoudre grand-chose, si elle ne s’inscrit pas dans une réforme de fond de nos modes de vie et de consommation, qui ne s’impose pas par la loi ou par la volonté de 150 citoyens tirés au sort.
Samuel Le Goff (consultant en stratégie et communication)