La cheffe du gouvernement britannique a annoncé vendredi 24 mai qu’elle quittera le 10 Downing Street le 7 juin prochain. En analysant la situation, on comprend que Nigel Farage vient encore de faire chuter un Premier ministre conservateur. Et ce, avant même que les résultats du scrutin européen ne soient annoncés.
L’ancien leader du parti UKIP Nigel Farage a été durant des années une sorte de marionnettiste du parti conservateur. Déjà en 2014, ce fut sa victoire aux élections européennes qui scella le sort de David Cameron. En obligeant ce dernier à inclure une promesse de référendum au moment de l’élection générale de 2015, y enclencha les événements qui l’amèneraient à démissionner un an plus tard. Après avoir gagné ce référendum et expédié Cameron, Farage avait affirmé qu’il « prenait sa retraite ». En réalité, il préparait son prochain coup. Le résultat de ce complot minutieux – la création du «Parti du Brexit» – a connu un succès incroyable. Il a en effet vampirisé UKIP, et forcé Theresa May à quitter le pouvoir. Et tout cela, sans avoir pour l’heure gagné une seule élection !
Les résultats des élections européennes de cette semaine seront annoncés entre dimanche soir et lundi matin. Même si la tradition ne permet pas d’annoncer les résultats alors qu’une partie des électeurs est encore en train de voter, dans l’état actuel des choses il est fort probable que le Parti du Brexit remporte le scrutin, en promettant un Brexit « sans accord ». Il y a également fort à parier que les travaillistes et les libéraux-démocrates se disputeront la seconde place. UKIP, Change UK et les conservateurs pourraient bien être tous en dessous des 10%. Des résultats décevant pour Change UK et le UKIP, mais humiliant pour le Parti conservateur !
Voici donc en résumé le contexte de la déclaration de démission de Theresa May, qui a accepté de renoncer à son poste de chef de file des conservateurs le 7 juin prochain ainsi qu’au poste de Premier Ministre une fois qu’un successeur lui sera choisi. Ce n’est pas seulement le triomphe probable du Parti du Brexit qui a causé cette situation, c’est aussi l’implacable arithmétique parlementaire qui ont mené Theresa May a quitter ses fonctions avouant finalement qu’elle était minoritaire.
Sa dernière tentative visait à présenter au Parlement pour la troisième fois son accord de retrait en y ajoutant une série de « cadeaux » pour les travaillistes : droits des travailleurs, protection de l’environnement, vote pour un deuxième référendum, union douanière, etc. Cela n’a pas été suffisant. Pire encore, elle a perdu en route le soutien de certains députés conservateurs, la mettant en minorité.
Theresa May a enfin accepté sa défaite. Il y aura donc un nouveau Premier ministre à l’automne et – dans l’état actuel des choses – Boris Johnson devrait arriver au 10 Downing Street. Bien sûr, cette trajectoire pourrait être bouleversée : les membres du Parti conservateur pourraient se rappeler de son bilan qui n’a pas toujours été celui d’un homme d’État. Il pourrait aussi renoncer. Mais Johnson est le grand favori et bénéficie pour l’heure du soutien des députés conservateurs. Certains membres de la chambre pensent bien à arrêter Johnson « à tout prix », mais ils n’ont pas pour l’heure de candidat alternatif à opposer.
Johnson Premier ministre, quel serait l’impact sur le Brexit ? Il faudra s’attendre à un « no deal », présenté de manière positive, dans un exploit de rhétorique dont seul Boris Johnson serait capable et qui abouterait à une élection sur ce sujet à l’automne. La victoire triomphale de Boris Johnson sur le parti conservateur ne sera ainsi pas la fin de l’ère de l’incertitude au Royaume-Uni, mais seulement la fin du commencement.